« Le temps est vraiment venu de faire de nouvelles percées pour les bébés prématurés. J’espère que ma recherche y contribuera » -Le Dr Bernard ThébaudLe Dr Bernard Thébaud se souvient, comme si c’était hier, du jour où, adolescent grand amateur de soccer, il a choisi la médecine. C’est son père qui lui avait conseillé de devenir médecin du sport. Or, dès son tout premier jour de stage en chirurgie pédiatrique, le Dr Thébaud a su qu’il voulait plutôt aider les plus jeunes patients de l’hôpital.
« D’extraordinaires professeurs m’ont enseigné l’intérêt des soins aux nouveau-nés, de ne pas me limiter à accepter le statu quo et à appliquer des protocoles, mais de réfléchir chaque jour à la manière d’améliorer les choses et de les changer un petit peu », explique-t-il. « Par la suite, je me suis rendu compte qu’il était en fait possible de répondre à quelques questions capitales en faisant de la recherche en laboratoire, et c’est ce que j’ai décidé de faire ».
Le Dr Thébaud, qui est né et a grandi à Munich, en Allemagne, a étudié la médecine à Strasbourg et la pédiatrie à Paris, avant de finalement démarrer sa carrière de chercheur à l’Université de l’Alberta à la fin d’un stage postdoctoral. En 2012, L’Hôpital d’Ottawa l’a recruté dans le cadre de son Programme de médecine régénératrice dans le but de faire de la recherche sur les thérapies cellulaires appliquées aux maladies pulmonaires.
Plus d’options pour les grands prématurés
La dysplasie bronchopulmonaire (DBP), la complication la plus fréquente chez les grands prématurés, est une maladie que le Dr Thébaud diagnostique régulièrement chez ses patients à L’Hôpital d’Ottawa et au CHEO. Cette maladie pulmonaire chronique est provoquée par l’utilisation des appareils respiratoires et de la supplémentation en oxygène, qui permet de garder en vie les grands prématurés, mais endommage leurs poumons fragiles dans le même temps. Parce que leur cerveau en développement reçoit moins d’oxygène, les bébés atteints de DBP pourraient avoir des troubles d’apprentissage ou des difficultés à marcher, entendre ou voir.
« Ces bébés font preuve d’une résilience inspirante », de dire le Dr Thébaud. « Leurs poumons ne sont pas encore tout à fait formés, mais ils arrivent à respirer, certes avec notre aide, mais ils peuvent y arriver; nous les aidons simplement en leur donnant ce dont ils ont besoin ».
Bien qu’il n’existe aucun remède contre la DBP, le Dr Thébaud et son équipe espèrent changer les choses. En laboratoire, ils ont constaté que les cellules du cordon ombilical, à savoir les cellules stromales mésenchymateuses (CSM), contribuaient à prévenir la DBP chez les bébés rongeurs.
Une découverte potentiellement révolutionnaire
Leur étude avant-gardiste récemment parue dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine démontre que de minuscules particules libérées par ces CSM, appelées des vésicules extracellulaires (VE), sont tout aussi efficaces à prévenir la DBP.
Ces « nanothérapies pour micro-prématurés » ont des effets semblables aux CSM, mais sont plus faciles à produire, conserver et doser. Contrairement aux CSM, elles parviennent à franchir la barrière hémato-encéphalique (la barrière entre le sang et le cerveau), à savoir qu’elles circulent jusqu’au cerveau après avoir été injectées dans la circulation sanguine.
Dans cette étude, le Dr Thébaud et son équipe ont démontré pour la première fois que la DBP nuisait aussi à certaines fonctions essentielles des cellules souches du cerveau. Ces cellules souches jouent un rôle important dans le développement du cerveau. Plus important encore, les chercheurs ont constaté que le traitement conjuguant des CSM et des VE pouvait prévenir de telles lésions cérébrales et pulmonaires chez des bébés rongeurs atteints de DBP.
Ces nouvelles constations vont dans le sens de tester les CSM et VE comme possible thérapie pour protéger les nourrissons prématurés des effets dévastateurs de cette maladie pulmonaire chronique.
« Cette thérapie sera révolutionnaire si elle parvient à améliorer la santé cérébrale et pulmonaire des bébés nés trop tôt », dit le Dr Thébaud.
Cette étude arrive au moment où le Dr Thébaud s’apprête à entamer un essai clinique de phase 1 afin de tester la faisabilité et l’innocuité d’utiliser des CSM pour traiter les bébés prématurés atteints de DBP. Il espère pouvoir évaluer la thérapie alliant des CSM et des VE lors de futurs essais.
« Le temps est vraiment venu de faire de nouvelles percées pour les bébés prématurés, ajoute-t-il. J’espère que ma recherche y contribuera ».
Le Dr Thébaud est néonatologiste et scientifique principal au sein du Programme de médecine régénératrice de L’Hôpital d’Ottawa, qui englobe le Centre de médecine régénératrice Sinclair et le Centre de recherche sur les cellules souches Sprott. Il est aussi néonatologiste et scientifique principal au CHEO, en plus d’être titulaire de la Chaire de recherche en médecine régénératrice en partenariat avec l’Université d’Ottawa. Lisez cet entretien et écoutez ce balado pour en savoir plus sur ses motivations.