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Le vieux sang est aussi bon que le sang frais pour les patients gravement malades
le 17 mars 2015
Comme le lait ou plusieurs autres aliments, le sang utilisé pour les transfusions sanguines est périssable. Mais contrairement à la croyance populaire, une nouvelle recherche publiée aujourd’hui dans le New England Journal of Medicine démontre que le sang ayant passé trois semaines au réfrigérateur est aussi bon que le sang frais entreposé depuis quelques jours.
Cette vaste étude clinique apporte des preuves rassurantes concernant la sécurité du sang transfusé couramment aux patients gravement malades. Soutenus par le Groupe canadien de recherche en soins intensifs, de nombreuses infirmières, des technologues de banques de sang, des médecins experts en transfusions et en soins critiques, les Drs Jacques Lacroix, (Centre de recherche du CHU Sainte-Justine), Dean Fergusson (L’Hôpital d’Ottawa), Alan Tinmouth, (L’Hôpital d’Ottawa) et Paul Hébert (Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal) ont mené une équipe d’une douzaine de chercheurs de 64 centres hospitaliers au Canada et en Europe.
Les chercheurs ont entrepris l’étude ABLE (Age of Blood Evaluation), un essai clinique randomisé à double insu afin de comparer la mortalité 90 jours après la première transfusion, chez des patients traités aux soins intensifs et transfusés avec du sang frais (entreposé en moyenne six jours) ou du sang plus âgé (entreposé en moyenne 22 jours). Au total, 2430 adultes ont participé à l’étude, soit 1211 patients dans le groupe « sang frais » et 1219 patients dans le groupe « sang plus âgé ».
Tony Brett, un homme de 48 ans soigné pour une septicémie à L’Hôpital d’Ottawa, se dit très heureux d’avoir participé à l’étude. « Non seulement les transfusions sanguines m’ont sauvé la vie, mais elles ont aussi maintenu ma mère en vie pendant de longues années parce qu’elle souffrait d’une maladie du sang. J’ai souvent donné du sang, et je trouve cela extraordinaire que des gens mènent des recherches rigoureuses pour s’assurer que l’approvisionnement en sang soit sécuritaire et efficace », témoigne le patient.
« La pratique actuelle des banques de sang consiste à fournir aux patients le sang le plus âgé. Certains médecins croient toutefois que le sang frais est meilleur », explique le Dr Paul Hébert, médecin intensiviste et chercheur au Centre de recherche du CHUM et professeur à l’Université de Montréal.
Les résultats sont sans équivoque : « Il n’y a eu aucune différence de mortalité ou de dysfonctions d’organes entre les deux groupes, ce qui signifie que le sang frais n’est pas plus bénéfique que le sang plus vieux », résume Dean Fergusson, chercheur sénior à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et à l’Université d’Ottawa.
Plus précisément, 423 patients sont morts dans les 90 jours suivant la transfusion dans le groupe de patients qui ont reçu du sang frais, comparativement à 398 patients décédés dans le groupe ayant reçu du sang plus âgé.
« Auparavant, des études observationnelles et en laboratoire laissaient entendre que le sang frais était meilleur en raison de la détérioration des globules rouges et de l’accumulation de toxines pendant l’entreposage. Mais cette vaste étude clinique montre clairement que ces changements n’affectent pas la qualité du sang », affirme le Dr Alan Tinmouth, médecin et chercheur à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et à l’Université d’Ottawa.
Selon les normes actuelles, on entrepose le sang jusqu’à 42 jours. Mais au cours des dernières décennies, les médecins ont commencé à demander du sang frais pour leurs malades, pensant que c’était la bonne chose à faire. Pour les agences de collecte de sang et pour les centres hospitaliers, cela complique la donne en raison de l’approvisionnement limité et parce que la politique actuelle de gestion est de distribuer le sang sur la base du premier entré, premier sorti, pour éviter le gaspillage.
« L’étude ABLE est une excellente nouvelle pour la Société canadienne du sang, parce qu’elle cautionne les pratiques actuelles de gestion des approvisionnements de sang pour les patients qui reçoivent des transfusions alors qu’ils sont aux soins intensifs », affirme la Dre Dana Devine, vice-présidente, Affaires médicales et scientifiques et Recherche, à la Société canadienne du sang.
Les transfusions sanguines sauvent des vies, rappellent les auteurs. Il n’y a pas à s’inquiéter de la sécurité du sang couramment utilisé dans les hôpitaux. La même équipe de chercheurs mène actuellement un essai clinique auprès des patients pédiatriques. « Cette nouvelle étude devrait permettre de vérifier si les enfants réagissent aux transfusions de sang frais et de sang plus âgé de la même manière que les adultes », conclut le Dr Jacques Lacroix, du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeur à l’Université de Montréal.
À propos de cette étude
L’étude « The Age of Blood Trial in Critically ill Adults », publiée en ligne dans le New England Journal of Medicine le 17 mars 2015, a été financée par les organismes suivants : les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Santé, NETSCC Health Technology Assesment (HTA) Program of the British National Institute for Health Research et le ministère des Affaires sociales et de la Santé en France. Les auteurs soulignent également la collaboration des agences de collecte de sang et des banques de sang suivantes : Société canadienne du sang, Héma-Québec, Établissement français du sang et Sanquin (Pays-Bas).
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