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Un anticoagulant couramment prescrit aux femmes enceintes se révèle inefficace selon une étude publiée dans The Lancet


le 24 juillet 2014

OTTAWA, le 24 juillet 2014 – Les femmes enceintes qui risquent d’avoir des caillots de sang se font une injection dans l’abdomen chaque jour, mais celle-ci se révèle inefficace d’après les résultats d’un essai clinique dirigé par des chercheurs de L’Hôpital d’Ottawa et publiés aujourd’hui dans la prestigieuse revue médicale The Lancet.

Jusqu’à une femme enceinte sur dix présente une prédisposition à avoir des caillots de sang dans les veines, un trouble que l’on appelle la thrombophilie. Depuis une vingtaine d’années, les médecins leur prescrivent bien souvent de l’héparine de faible poids moléculaire (anticoagulant) pour prévenir les complications qui pourraient survenir si un caillot se formait dans le placenta. Les femmes doivent se faire une injection par jour, ce qui nécessite des centaines d’aiguilles tout au long de la grossesse. C’est un processus douloureux et démoralisant.

Un essai clinique aléatoire dirigé par le Dr Marc Rodger, scientifique principal à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et directeur du Programme de thrombose à L’Hôpital d’Ottawa, fournit aujourd’hui des preuves concluantes que cet anticoagulant ne présente aucun avantage pour la mère et le bébé. L’essai montre plutôt qu’il pourrait causer des effets nuisibles mineurs : augmentation des saignements et des déclenchements du travail et réduction de l’accès à l’anesthésie pendant l’accouchement.

« Grâce à ces résultats, beaucoup de femmes dans le monde entier n’auront plus à faire des injections douloureuses inutiles pendant leur grossesse », explique le Dr Rodger, qui enseigne aussi à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. « L’héparine de faible poids moléculaire médicalise inutilement la grossesse, en plus d’augmenter le coût des soins. »

Les médecins prescrivent cet anticoagulant depuis les années 1990 pour traiter les femmes enceintes thrombophiles même si personne n’a jamais réalisé d’essai clinique aléatoire multicentrique pour prouver son efficacité. Bien des médecins le prescrivent aussi aux femmes enceintes thrombophiles ou non pour prévenir la formation de caillots de sang dans le placenta qui pourraient causer une fausse couche, une prééclampsie (hypertension artérielle), un décollement du placenta (saignements importants) et un retard de croissance intra-utérin (bébé de faible poids à la naissance). Ils le prescrivent aussi pour prévenir une thrombose veineuse profonde (caillots de sang dans les veines des jambes) et une embolie pulmonaire (caillots de sang dans les poumons).

« J’aurais aimé prouver que l’héparine de faible poids moléculaire prévient les complications, mais j’ai plutôt prouvé le contraire, ajoute le Dr Rodger. Je suis toutefois très content qu’on puisse dorénavant éviter aux femmes toutes ces injections inutiles. »

Allison McIntosh, avocate de 34 ans au ministère de la Justice à Ottawa, comprend la douleur et le découragement des femmes qui comptent sur les injections de l’anticoagulant pour mener leur bébé à terme. Après deux fausses couches, Mme McIntosh a pris ce type d’héparine pendant sa troisième grossesse. Elle s’est donné une injection chaque jour pendant deux mois et demi avant de se rendre compte que le traitement ne fonctionnait pas, car elle a fait une troisième fausse couche.

« J’ai traversé une période difficile lorsque j’ai constaté que les injections n’avaient pas fonctionné, confie-t-elle. Je pensais vraiment que cela allait m’aider. J’ai un peu perdu espoir après cette troisième fausse couche. »

Mme McIntosh est maintenant enceinte de six mois. Elle et son mari, Jeremy Gaudet, ont toutefois décidé de renoncer à toute injection cette fois. Elle n’est pas surprise d’apprendre que l’héparine de faible poids moléculaire n’est pas efficace pour prévenir les caillots de sang chez les femmes enceintes.

« Je suis triste pour les personnes qui s’astreignent à ce processus, ajoute Mme McIntosh. Elles peuvent être déçues si les injections sont leur seul espoir. »

Amy Mills, 35 ans et mère de deux jeunes enfants, abonde dans le même sens. Elle est même soulagée d’apprendre qu’une étude prouve maintenant que le traitement à l’héparine de faible poids moléculaire est inefficace. Mme Mills, gestionnaire chez McCaskie TV & Stereo à Bancroft, en Ontario, a participé à l’essai du Dr Rodger après avoir découvert qu’elle était prédisposée à la formation de caillots de sang. Elle s’est donné plus de 400 injections de l’anticoagulant pendant sa grossesse, parfois même deux par jour, ce qui lui a causé beaucoup de bleus et de douleur.

« J’avais mal à chaque injection, affirme-t-elle. La plupart des femmes sont fières de montrer leur ventre, mais pas moi. J’avais tellement de bleus que je préférais la cacher. »

Mme Mills et son mari Jeff, charpentier, sont aujourd’hui fiers d’être les parents de Mikayla, sept ans, et de Joshua, cinq ans. Mme Mills est heureuse d’avoir participé à l’étude du Dr Rodger et ainsi empêché d’autres femmes d’endurer cette expérience. Pour prévenir la formation de caillots sanguins lors de sa seconde grossesse, elle a simplement pris de l’Aspirin pour bébé tous les jours.

Le Dr Rodger a réalisé l’essai clinique sur une période de 12 ans auprès de 292 femmes traitées dans 36 centres situés dans cinq pays. Les résultats de l’essai sont parus en ligne aujourd’hui et paraîtront dans un prochain numéro de la revue The Lancet, une des plus vieilles et prestigieuses revues médicales au monde. Ils font aussi l’objet d’un Comment publié aujourd’hui.

« Grâce aux résultats de l’essai du Dr Rodger, bien des femmes n’auront pas à s’administrer des centaines d’injections inutiles et douloureuses. Les résultats montrent aussi l’importance de mener des essais cliniques rigoureux et bien conçus, ce dont nous tirons une grande fierté à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa », précise le Dr Duncan Stewart, PDG et directeur scientifique de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, vice-président de la Recherche à L’Hôpital d’Ottawa et professeur de médecine à l’Université d’Ottawa.

Le Dr Rodger espère que les médecins cesseront de prescrire de l’héparine de faible poids moléculaire aux femmes enceintes thrombophiles ou qui ont déjà eu des complications pendant une grossesse si ce n’est pas justifié. Il espère aussi que les résultats de son étude susciteront une réflexion objective dans la communauté médicale et favoriseront les traitements fondés sur des données probantes.

« Ces résultats nous permettent de progresser et d’explorer d’autres méthodes potentiellement efficaces pour aider les femmes thrombophiles ou traiter les complications causées par des caillots de sang dans le placenta », poursuit le Dr Rodger.

Par ailleurs, les anticoagulants pourraient être efficaces pour prévenir les fausses couches récurrentes causées par un type de thrombophilie en particulier (anticorps antiphospholipidiques). De plus, on conseille à certaines femmes enceintes de prendre de faibles doses d’Aspirin pour prévenir les complications pendant la grossesse. Toutes les femmes thrombophiles doivent prendre des anticoagulants pour prévenir les caillots de sang après un accouchement. Comme le fait remarquer l’auteur de l’article, certaines femmes qui ont eu des complications graves pendant une précédente grossesse pourraient toujours avoir intérêt à prendre des anticoagulants, mais il est nécessaire de mener d’autres études rigoureuses à ce sujet. Dans tous les cas, toutefois, les femmes enceintes qui ont déjà eu des complications devraient consulter leur médecin pour déterminer quel est le meilleur traitement.

L’article est intitulé « The Thrombophilia in Pregnancy Prophylaxis Study (TIPPS): a multinational randomized trial of ante-partum dalteparin with no ante-partum dalteparin for the prevention of pregnancy complications in pregnant thrombophilic women ». L’étude était financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada.

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L’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa est l’établissement de recherche de L’Hôpital d’Ottawa affilié à l’Université d’Ottawa. Il entretient des liens étroits avec les facultés de médecine et des sciences de la santé de l’Université. L’Institut regroupe plus de 1 700 scientifiques, chercheurs cliniciens, étudiants diplômés, stagiaires postdoctoraux et employés de soutien qui se consacrent à la recherche pour améliorer la compréhension, la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies. Les recherches menées à l’Institut sont financées par la Fondation de l’Hôpital d’Ottawa.

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