« Nous supposions que les patients rétablis après une oxygénation par membrane extracorporelle auraient un risque accru d’impacts sur leur santé mentale parce qu’ils étaient sédatés et ventilés pendant plus longtemps, et qu’ils devaient souvent faire face à une convalescence plus compliquée. Mais nous ne disposions pas de données claires jusqu’à aujourd’hui » -le Dr Shannon FernandoSelon la première étude du genre parue dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), les patients rétablis après avoir été maintenus en vie sous oxygénation par membrane extracorporelle avaient 24 % plus de risques d’obtenir un nouveau diagnostic de problème de santé mentale après leur congé de l’hôpital que d’autres patients rétablis aux soins intensifs.
L’ECMO, ou l’oxygénation par membrane extracorporelle, est le moyen le plus évolué de maintien en vie. Il se substitue provisoirement au cœur et aux poumons des patients atteints d’insuffisance cardiaque ou respiratoire. Ce traitement exigeant de nombreuses ressources est habituellement réservé aux patients jeunes et en bonne santé qui ont le plus de probabilités de survivre. C’est la première étude du genre à se pencher sur les répercussions sur leur santé mentale.
« L’ECMO permet de sauver des vies. Entre 50 et 65 % des patients qui en bénéficient survivront, et la plupart d’entre eux seront en vie 5 ans plus tard », de dire le Dr Shannon Fernando, médecin spécialisé en soins critiques à Lakeridge Health et boursier postdoctoral à L’Hôpital d’Ottawa ainsi qu’à l’Université d’Ottawa. « Nous savons déjà que les patients rétablis après une hospitalisation aux soins intensifs peuvent subir le contrecoup, sur le plan mental, des traitements effractifs, devoir vivre avec de nouvelles limitations physiques et faire face à une convalescence plus longue que la normale. Nous supposions que les patients rétablis après une oxygénation par membrane extracorporelle auraient un risque accru d’impacts sur leur santé mentale parce qu’ils étaient sédatés et ventilés pendant plus longtemps, et qu’ils devaient souvent faire face à une convalescence plus compliquée. Mais nous ne disposions pas de données claires jusqu’à aujourd’hui ».
Pour en avoir le cœur net, l’équipe de chercheurs de L’Hôpital d’Ottawa, de l’Institut du Savoir Montfort, de l’ICES et de l’Université d’Ottawa a examiné le dossier médical de tous les patients rétablis aux soins intensifs en Ontario et au Canada entre avril 2010 et mars 2020.
Les chercheurs ont comparé les 642 patients rétablis sous ECMO avec les 3 820 autres aux soins intensifs qui présentaient des caractéristiques semblables, comme l’âge, le sexe, les antécédents de santé mentale, la gravité de leur maladie critique et la durée de leur hospitalisation. L’analyse a permis de conclure que les patients sous ECMO couraient 24 % plus de risques d’un nouveau diagnostic de santé mentale que d’autres patients aux soins intensifs.
Sur les 642 patients rétablis sous ECMO, 236 (37 %) ont appris qu’ils étaient atteints d’un nouveau problème de santé mentale, les plus fréquents étant une dépression, des troubles anxieux et des problèmes de santé mentale résultant d’une expérience traumatisante, qualifiés de troubles traumatiques. Selon des études antérieures, ce sont les diagnostics de santé mentale les plus souvent posés chez des patients rétablis d’une maladie critique.
« En tant que professionnels de la santé, il nous faut dire à nos patients qu’il est fréquent d’avoir des difficultés sur le plan de la santé mentale après un séjour aux soins intensifs », précise le Dr Peter Tanuseputro, co-auteur principal, médecin-scientifique à L’Hôpital d’Ottawa et à l’ICES, chercheur à l’Institut de recherche Bruyère et professeur agrégé au Département de médecine de l’Université d’Ottawa. « Les patients rétablis après un séjour aux soins intensifs doivent comprendre que leur convalescence pourra souvent durer des mois, voire des années, et leur famille et leurs professionnels de la santé doivent les épauler dans ce sens ».
Les conclusions tirées lors de cette étude sont très importantes durant la pandémie de COVID-19, vu que l’utilisation de l’ECMO a augmenté dans le monde entier pour soigner un nombre jamais vu de patients atteints d’une grave insuffisance respiratoire. Au pic de la pandémie, l’Ontario comptait deux fois plus de patients sous ECMO qu’avant la pandémie.
« Soudainement, nous avons beaucoup plus de patients rétablis sous ECMO à cause de la COVID-19. Nous devons nous assurer qu’ils disposent du soutien nécessaire en matière de santé mentale pour se rétablir et progresser », ajoute le Dr Kwadwo Kyeremanteng, co-auteur principal de l’article, scientifique et médecin spécialisé en soins critiques à L’Hôpital d’Ottawa, chercheur clinicien principal à l’Institut du Savoir Montfort et professeur adjoint à l’Université d’Ottawa.
L’équipe de chercheurs a récemment obtenu une subvention de recherche du Plan de diversification des modes de financement de Montfort pour tester un programme virtuel de traitements auprès de patients atteints de troubles post-soins intensifs, un ensemble de symptômes physiques, mentaux et affectifs qui perdurent après une hospitalisation aux soins intensifs. Le programme offrira des services de santé mentale et de physiothérapie ainsi que des conseils de nutritionnistes pour tenter de centraliser les services et de soulager les fournisseurs de soins primaires et les Urgences.
Les raisons précises pour lesquelles les patients rétablis sous ECMO ont un risque plus élevé d’être atteints de problèmes de santé mentale comparativement à d’autres patients rétablis aux soins intensifs demeurent floues, et d’autres recherches doivent être faites à ce sujet.
« Nous devons vraiment faire davantage de recherches et investir encore plus dans le domaine des post-maladies critiques, conclut le Dr Fernando. Les patients auront besoin d’aide bien après leur sortie des soins intensifs ».
Référence : Association of Extracorporeal Membrane Oxygenation with New Mental Health Diagnoses in Adult Survivors of Critical Illness. Shannon M. Fernando, Mary Scott, Robert Talarico, Eddy Fan, Daniel I. McIsaac, Manish M. Sood, Daniel T. Myran, Margaret S. Herridge, Dale M. Needham, Carol L. Hodgson, Bram Rochwerg, Laveena Munshi, M. Elizabeth Wilcox, O. Joseph Bienvenu, Graeme MacLaren, Robert A. Fowler, C. Scales, Niall D. Ferguson, Alain Combes, Arthur S. Slutsky, Daniel Brodie, Peter Tanuseputro, Kwadwo Kyeremanteng. JAMA. October 26, 2022.
Financement : La présente étude a été financée par l’Institut du Savoir Montfort. Les recherches à L’Hôpital d’Ottawa ont été rendues possibles grâce à de généreux dons à La Fondation de l’Hôpital d’Ottawa.
Sources des données : ICES et Institut canadien d'information sur la santé
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