Depuis la légalisation du cannabis récréatif au Canada, le nombre d’enfants de moins de 10 ans qui ont été hospitalisés à la suite d’une intoxication au cannabis a été multiplié par 6,3 selon un article scientifique publié dans le New England Journal of Medicine.
Les chercheurs ont noté que ce nombre a augmenté considérablement dans l’ensemble du pays. La hausse des hospitalisations a toutefois été plus de deux fois plus élevée dans les provinces qui autorisent la vente de produits comestibles de cannabis comme des gélifiés, des chocolats et des produits de boulangerie et de pâtisserie que dans les provinces qui interdisent la vente de ces produits (7,5 fois vs 3,0 fois respectivement par comparaison à avant la légalisation).
Changements dans les hospitalisations dues à une intoxication au cannabis d’enfants âgés de 0 à 9 ans entre 2015 et 2021
« Un nombre croissant de pays s’orientent vers la légalisation du cannabis à des fins non médicales ou récréatives. Il est donc essentiel de comprendre qu’il existe bien des façons de légaliser le cannabis et qu’elles ne sont pas toutes équivalentes », explique le Dr Daniel Myran, auteur principal de l’article, médecin de famille, spécialiste en santé publique et en médecine préventive, ainsi que boursier postdoctoral au Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa et à L’Hôpital d’Ottawa. « D’après nos résultats, interdire la vente de produits comestibles de cannabis comme les bonbons, les desserts et les produits de boulangerie et de pâtisserie est une stratégie clé pour prévenir une forte hausse des intoxications au cannabis chez les jeunes enfants après la légalisation. »
Ces résultats sont le fruit d’un scénario unique au Canada : l’échelonnement de la légalisation des différents produits du cannabis et différentes politiques de légalisation d’une province à l’autre.
En octobre2018, la fleur de cannabis séchée est devenue légale dans l’ensemble du Canada, mais la vente de produits comestibles de cannabis comme des gélifiés, des chocolats et des produits de boulangerie et de pâtisserie a été interdite initialement. À compter de janvier 2020, l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta (qui se classent respectivement au premier, au troisième et au quatrième rang au Canada pour le nombre d’habitants) ont autorisé la vente de produits comestibles de cannabis. Le Québec (qui se classe au deuxième rang au Canada au même titre) a au contraire maintenu l’interdiction de vendre ces produits en raison de leur attrait potentiel pour les enfants.
Les chercheurs ont épluché les dossiers médicaux d’enfants pour relever les hospitalisations dues à une intoxication au cannabis dans toutes les provinces sur une période de sept ans (janvier 2015 à septembre 2021). Ils en ont repéré 581. L’âge moyen des enfants était de 3,5 ans.
Avant la légalisation, le nombre d’enfants hospitalisés pour cette raison par tranche de 100 000 enfants était le même dans toutes les provinces. Immédiatement après la légalisation de la vente de fleurs de cannabis séchées, les taux d’hospitalisation ont été multipliés par 2,6 dans toutes les provinces.
Pendant la période où les produits comestibles étaient légaux en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta, les taux d’hospitalisation dans ces provinces ont encore augmenté de 2,9 fois par rapport à la période suivant immédiatement la légalisation. Ils sont toutefois restés inchangés au Québec, où ils étaient toujours interdits.
« En comparant des régions par ailleurs similaires qui ont adopté des approches différentes de la légalisation des produits comestibles de cannabis, nous pouvons cerner les effets de leur légalisation sur le nombre d’intoxications chez les enfants », affirme le Dr Yaron Finkelstein, auteur principal de l’article, urgentologue, pharmacologue et toxicologue clinicien, scientifique principal à l’hôpital pour enfants de Toronto (SickKids) et professeur à l’Université de Toronto. « Une intoxication au cannabis peut avoir des effets importants sur les jeunes enfants, par exemple des changements de comportement, des convulsions, une altération de la coordination, de l’équilibre et de la respiration, et même le coma. Comme il existe différentes formulations de cannabis légalisées au pays, il est important que tout le monde, y compris les parents et les autres personnes qui prennent soin d’enfants, soit conscient des dangers pour les enfants et veille à ce que les produits de cannabis soient conservés dans un endroit sécuritaire et hors de la portée des enfants. »
Cette hausse des hospitalisations a eu lieu en dépit de la réglementation adoptée pour prévenir les intoxications, notamment une concentration limite de THC dix fois inférieure à celle autorisée dans certaines régions des États-Unis.
« Il est important de noter que les provinces autorisant les produits comestibles ont tout de même des règles strictes en place, notamment des emballages neutres et à l’épreuve des enfants, une limite de 10 mg de THC par emballage et des campagnes d’éducation des consommateurs, ajoute le Dr Myran. Nos résultats permettent de penser que les pays autorisant la vente de produits comestibles de cannabis pourraient connaître une forte hausse des cas d’intoxications chez les jeunes enfants, dont certains graves, et ce, même s’ils adoptent certains règlements. »
Une intoxication au cannabis chez un bébé, un enfant ou un adolescent constitue une urgence médicale. Communiquez avec un centre antipoison si votre enfant a consommé du cannabis et composez 9-1-1 s’il est malade, est inconscient ou a de la difficulté à respirer. Vous pouvez réduire le risque d’intoxication en conservant les produits de cannabis dans un récipient fermé à clé loin des autres aliments et boissons et hors de la portée des enfants. Renseignez-vous sur les risques associés au cannabis et les façons de prévenir une intoxication.
Financement : L’étude était financée par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.
Reference : Edible Cannabis Legalization and Unintentional Poisoning in Children. Daniel T Myran, Peter Tanuseputro, Nathalie Auger, Lauren Konikoff, Robert Talarico, Yaron Finkelstein. NEJM. Aug 24, 2022. DOI: 10.1056/NEJMc2209374
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