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Le développement vasculaire pourrait être affecté par l’autisme

Des déficits précoces dans la formation des vaisseaux sanguins du cerveau entraînent des traits autistiques tardifs chez la souris

le 13 juillet 2020

le Dr Baptiste LacosteUne collaboration canadienne dirigée par le Dr Baptiste Lacoste a entrepris la toute première étude approfondie de la vascularisation du cerveau des autistes. Fruit de quatre années de travail, un article publié aujourd’hui dans Nature Neuroscience présente plusieurs nouveaux éléments de preuve qui mettent fortement en cause les anomalies des cellules endothéliales (la paroi des vaisseaux sanguins) chez les autistes.

Le Dr Lacoste, scientifique à l’Hôpital d’Ottawa et professeur adjoint à la Faculté de médecine et à l’Institut de recherche sur le cerveau de l’Université d’Ottawa, dirige un laboratoire spécialisé dans les interactions neurovasculaires chez les patients en santé et malades. En collaboration avec des chercheurs de l’Université McGill, de l’Université Laval et du Conseil national de recherches Canada, l’équipe du Dr Lacoste a utilisé un modèle de souris présentant l’une des mutations génétiques les plus courantes dans le trouble du spectre autistique, la délétion 16p11.2, ou « 16p » en abrégé.

L’équipe du Dr Lacoste, au sein de laquelle Julie Ouellette (étudiante au troisième cycle) et le Dr Xavier Toussay (assistant de recherche) ont joué un rôle important, a également utilisé des cellules provenant de tissus d’adultes autistes humains porteurs de la mutation 16p.

Nerfs et vaisseaux sanguins non synchronisés

« Imaginez que vous avez une magnifique voiture de luxe, une Ferrari, stationnée dans votre garage », dit le Dr Lacoste. « Mais sans essence dans le réservoir, elle ne roulera tout simplement pas. C’est exactement la même chose avec le cerveau. Il s’agit de l’organe le plus complexe, mais sans apport sanguin, le cerveau ne fonctionne pas correctement. »

Normalement, lorsque les cellules cérébrales s’allument, le sang se précipite vers la région active du cerveau, un phénomène appelé « couplage neurovasculaire ». Mais lorsque les neurones de souris présentant la délétion 16p sont stimulés, cette étude a montré que les réponses vasculaires dans ces régions du cerveau étaient retardées et plus faibles.

Il a été démontré que cette déconnexion (découplage neurovasculaire) trouve son origine dans les vaisseaux sanguins eux-mêmes. Les artères isolées et maintenues en vie de ces souris ont également présenté une réponse faible et lente aux produits chimiques qui provoquent la dilatation des vaisseaux sanguins. L’équipe a en outre isolé la source du déficit dans l’endothélium, par opposition aux autres types de cellules, comme les cellules musculaires, qui entourent les vaisseaux sanguins.

Problèmes de développement

Les travaux du Dr Lacoste montrent en outre que les problèmes au niveau des vaisseaux sanguins commencent très tôt dans la vie des individus qui sont porteurs de la délétion 16p. Dans une boîte de Pétri, les cellules endothéliales de souris et humaines porteuses de la mutation ont été incapables de faire germer les extensions qui relient normalement les vaisseaux sanguins entre eux, permettant au réseau vasculaire de s’étendre et de se développer. Les cellules endothéliales du cerveau de souris autistes nouveau-nées présentaient le même problème.

À l’adolescence, les souris présentaient encore une densité vasculaire réduite dans leur cerveau. Il est intéressant de noter que, contrairement aux problèmes du système circulatoire, les chercheurs ont constaté que les neurones du cerveau de ces jeunes souris semblaient étonnamment bien organisés.

À mesure que les souris grandissaient, d’autres cellules du cerveau compensaient le dysfonctionnement de leurs cellules endothéliales, de sorte qu’à l’âge adulte, elles avaient développé un réseau complet de vaisseaux sanguins. Cependant, comme l’ont montré les expériences précédentes des chercheurs, ces vaisseaux sanguins sont restés dysfonctionnels chez les souris adultes.

« C’est un peu comme si un plombier venait chez vous et n’installait pas correctement les tuyaux », explique le Dr Lacoste. « Vous n’auriez probablement pas la bonne pression d’eau dans votre évier. »

Vaisseaux sanguins et comportement autistique

Lorsqu’une personne ou une souris est porteuse d’une mutation 16p, cette différence génétique est répliquée dans toutes les cellules de son corps. Il est donc plus difficile de déterminer la cause des différences systémiques de développement.

Pour remédier à cette difficulté, l’équipe du Dr Lacoste a généré des souris qui n’expriment la mutation que dans leurs cellules endothéliales, appelées « mutantes conditionnelles ». Ces souris ont montré des déficits similaires dans leur développement vasculaire que les mutantes entières.

Fait intéressant, bien qu’une cellule sur deux de leur cerveau et de leur corps soit génétiquement normale, ces mutantes conditionnelles présentaient certains signes comportementaux de l’autisme : hyperactivité, mouvements stéréotypés et troubles de l’apprentissage moteur.

Cela indique que les problèmes des vaisseaux sanguins contribuaient au dysfonctionnement neuronal, qui à son tour amenait les signes et symptômes extérieurs de l’autisme.

Autres pistes de recherche

Les chercheurs ont utilisé un nombre égal de souris mâles et femelles et ont noté des effets plus prononcés chez les souris mâles. Les femelles pourraient donc disposer d’autres outils, tels que les œstrogènes, qui compenseraient ou masqueraient les déficits. Cette piste de recherche, ainsi que le rôle des vaisseaux sanguins dans un plus large éventail de troubles du développement neurologique, pourraient mener à de nouveaux diagnostics et traitements.

Référence : Vascular contributions to 16p11.2 deletion autism syndrome modeled in mice. Julie Ouellette, Xavier Toussay, Cesar H. Comin, Luciano da F. Costa, Mirabelle Ho, María Lacalle-Aurioles, Moises Freitas-Andrade, Qing Yan Liu, Sonia Leclerc, Youlian Pan, Ziying Liu, Jean-François Thibodeau, Melissa Yin, Micael Carrier, Cameron J. Morse, Peter Van Dyken, Christopher J. Bergin, Sylvain Baillet, Christopher R. Kennedy, Marie-Ève Tremblay, Yannick D. Benoit, William L. Stanford, Dylan Burger, Duncan J. Stewart, Baptiste Lacoste. Nature Neuroscience. July 13, 2020.

Financement: Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Scottish Rite Charitable Foundation of Canada. La recherche à L’Hôpital d’Ottawa est rendue possible grâce aux généreux dons de la collectivité à Fondation de l’Hôpital d’Ottawa.

L’Hôpital d’Ottawa est un centre universitaire de pointe dans le domaine de la recherche et de la santé et un hôpital d’enseignement fièrement affilié à l’Université d’Ottawa.

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Mots clés - programmes : Programme de neurosciences